COMMENT SE FAIT IL QU'UN MOTEUR WANKEL SOIT SI GOURMAND POUR UNE SI FAIBLE CYLINDRÉE ?

Il est assez surprenant qu'un moteur Wankel, de si faible cylindrée, puisse produire autant de puissance et consommer autant de carburant. Effectivement, la diminution du nombre de pièces (plus de soupapes, d'arbres à cames, de courroie de distribution), un mouvement régulier ... tout cela devrait faire grimper le rendement. Hélas, il n'en est rien. Quelques éclaircissements s'imposent sur la détermination de la cylindrée, la puissance au litre et le rendement...

La cylindrée

La "cylindrée" d'un moteur Wankel, correspond au volume de la chambre dégagé par la rotation du rotor. Cette forme est très grossièrement celle d'un croissant.

Photo 1
Photo 2
Photo 1 :
Le dessin extrait de l'ouvrage Mazda Rotary engine (juin 1972) compare un moteur Wankel à un moteur à pistons. La "cylindrée" dans les deux cas est égale à la différence des volumes Vmax-Vmin.
Photo 2 :
La formule qui détermine le volume d'une chambre est la suivante C = 5,2 R x e x h (toujours dans le même ouvrage)

La cylindrée totale est celle dégagée par un rotor multiplié par le nombre de rotors.

Si maintenant on veut comparer cette cylindré à celle d'un moteur à pistons, car après tout c'est quand même le moteur de référence, il faut tenir compte du fait que le moteur Wankel a un temps moteur par tour alors que le moteur à piston a un temps moteur tous les deux tours. En conséquence le moteur Wankel aspire à "cylindrée" égale deux fois plus de carburant.

Pour donner une équivalence de cylindrée, il faut donc doubler la cylindrée de Wankel, c'est ainsi qu'un moteur 12A est comparable à un moteur de 2,4 litres et un 13A a un 2,6 litres. Le même raisonnement est applicable au moteur 2 temps où un 500cc est équivalent à un 1000cc.


La puissance au litre

Si la puissance au litre semble étonnante sur un moteur Wankel (ex le nouveau Mazda Renesis développe 250 ch pour 1,3 l), ce sont quand même des données "marketing" car si on le compare à un moteur à pistons c'est en fait 250 ch pour 2.6 l qu'il faudrait considérer pour son homologue à pistons... C'est tout à fait honorable et légèrement moins que l'un des meilleurs moteurs qui soit le Honda VTEC, lui aussi atmosphérique.

Le rendement

Dans tout moteur, c'est la quantité de carburant absorbée et le rendement du moteur qui déterminera la puissance produite. Si le moteur a un faible rendement, il faudra plus de carburant pour obtenir la même puissance. Le Wankel présente un rendement inférieur à un moteur conventionnel.

Il y a plusieurs raisons : la difficulté de conserver les gaz dans la chambre de combustion, la difficulté pour allumer convenablement le mélange et pour finir les pertes de l'énergie produite par la combustion du mélange.



La difficulté de conserver les gaz dans la chambre de combustion :

Le moteur à pistons a plusieurs segments en cascade et la jupe du piston contribue également à la réduction des fuites. Sur le Wankel, seul le segment de sommet est la pour jouer tout ces rôles et il a fort à faire.

Pour s'en convaincre, il suffit de faire tourner le moteur à la main pour constater que les compressions à faible vitesse sont ridiculeusement faibles, on s'en aperçoit immédiatement quand on passe une vitesse pour immobiliser la voiture dans une pente. Il y a de fortes chances de ne plus la retrouver.

Mazda en tient compte d'ailleurs quand il s'agit de relever les compressions. Si on prolonge la courbe, la compression n'est que 1kg / cm² à quelques tours / minute.. Ce type de courbe n'existe pas avec un moteur à pistons.

Quand le moteur tourne, cela s'arrange, bien sûr, en raison du temps nécessaire aux gaz pour se faire la malle par les fuites inévitables. Quand les segments sont usés, il n'y a plus d'espoir.


La difficulté pour allumer convenablement le mélange :

Dans un moteur à piston, le mélange est confiné dans un espace de surface réduite, dans un Wankel, c'est une "banane écrasée". L'allumage est de ce fait moins efficace, d'où un taux d'imbrûlés plus élevé dans que le moteur à piston.

Mazda a installé 2 bougies par chambre avec un allumage décalé pour réduire ce taux d'imbrûlés et même trois sur les moteurs de compétition. Malgré tout, une partie du carburant est perdu corps et bien et passe dans l'échappement d'où parfois des exposions du plus bel effet sonore.


Les pertes de l'énergie produite par la combustion du mélange :

Une estimation rapide montre que la surface de contact des gaz avec les parois est plus de 30% supérieure dans un moteur Wankel. Ces surfaces d'échange refroidissent les gaz et toutes les calories qui passent dans le circuit de refroidissement c'est encore cela de moins pour fournir le travail.

Cette particularité était présenté dans le document "Rotary engine" de Mazda publié en 1972 comme un avantage car il réduit les risques d'auto allumage et donne la possibilité d'utiliser de l'essence sans plomb. Je ne vais pas citer le paragraphe en entier mais on peut lire "une petite quantité d'essence étant enfermé entre les larges surfaces du carter et du rotor. Ceux ci étant efficacement refroidis par l'eau de refroidissement et l'huile, la température ne sera jamais assez élevée pour pouvoir provoquer le cliquetis....".

C'est une manière élégante de convertir un inconvénient en avantage. Si on lit entre les lignes, on comprend tout de suite que le moteur Wankel est très efficace pour produire de l'eau chaude !!!!

Pour finir, la température des gaz d'échappement du Wankel est également plus élevée ... encore de l'énergie perdue.

La littérature est bien pauvre concernant le rendement énergétique des moteurs Wankel. Un moteur à pistons essence a un rendement d'environ 35%. Avec indulgence, le moteur Wankel doit tourner aux environs de 30%. Ce qui veut dire qu'un moteur qui produit 250 ch (ou 184 kW) en gaspille deux fois plus soit 370 kW. En imaginant que la moitié passe par les gaz d'échappement et le rayonnement, il en reste 184 kW à évacuer par le système de refroidissement. Pour fixer les idées, c'est la puissance qui permet d'alimenter une dizaine de pavillons de 150 m² habitables, pas étonnant que le refroidissement soit un des points à surveiller sur ces autos.


Conclusion

Les gains espérés ne sont pas au rendez vous et avec une telle géométrie, ils ne le seront jamais. Même si le dernier moteur Mazda de la RX8 est notablement amélioré, c'est encore du 11,6 l / 100 km (catalogue), un propriétaire rencontré parle de 14l/100. De nombreuses berlines modernes d'habitabilité, de puissance et de masse identiques font mieux sans parler des berlines à mazout.

Il n'en reste pas moins que ce moteur a d'autres atouts en particulier son encombrement, son absence de vibration, sa masse (un moteur 12A pèse 120 kg, un moteur diesel de 100 ch en fait pas loin de 200)



C'est un moteur marginal et exotique et il est probable qu'il le restera.

Wankel était certainement un génie à plusieurs égards :
- avoir imaginé une solution alternative au moteur... alternatif
- avoir réussi a vendre ce concept à NSU qui a son tour a reussi la prouesse de le vendre à la majorité des constructeurs automobiles.

On peut, comme nous, aimer cette mécanique, mais il faut être réaliste.